Indice syntec 314,5

Analyse des conditions de relance de l’activité 2020

Pour mémoire, la Fédération Syntec rassemble les secteurs de services qualifiés aux entreprises – numérique, ingénierie, conseil, formation professionnelle, événementiel – et représente une branche de près d’un million de salariés et 80 000 entreprises.

1. Conséquences de la pandémie sur nos secteurs

1.1 Conséquences économiques

 1.1.1 Point de situation

Mi-avril en moyenne l’ensemble de la branche est à 55% d’activité avec de grandes disparités au niveau des métiers :

  • 70 à 80% d’activité dans le numérique, la baisse de chiffre d’affaires est de l’ordre de 10 à 20 % en moyenne pour les opérations de maintenance et de poursuite de missions, mais elle est plus forte sur le développement de nouveaux projets et avoisine 50 % sur le conseil
  • 50% en ingénierie, baisse accentuée dans la construction et moindre dans l’industrie, du fait notamment de la poursuite d’un certain nombre de missions de maintenance
  • 50% dans le conseil, mais avec de fortes variations : le conseil en stratégie et management recule moins fortement, tandis que le recrutement et les études accusent une baisse plus marquée
  • 20% sur la formation professionnelle, ne sont maintenues que les activités à distance
  • moins de 5% sur l’événementiel, les seuls chantiers maintenus sont liés aux événements à préparer pour le second semestre 2020 ou pour 2021

Cette photographie ne préjuge pas de la reprise, car le nombre de nouvelles affaires engrangées est particulièrement faible, ce qui nourrit nos inquiétudes pour le second semestre 2020 (« effet élastique » pour les professions de services à haute valeur ajoutée, moins impactées à l’instant T mais qui risquent de l’être davantage dans la durée).

Les secteurs couverts par la Fédération sont des secteurs fournissant des prestations de services, c’est-à-dire des secteurs amont, qui subissent la baisse de la demande de leurs clients, des entreprises situées en aval. Ils sont par conséquent directement impactés par la crise actuelle de certains secteurs situés en aval. A titre d’exemple, la situation durablement sinistrée du secteur aéronautique impacte lourdement l’activité du conseil, de l’ingénierie et du numérique dans la région de Toulouse, deuxième ville de France en nombre d’ingénieurs, qui vit à 80% d’Airbus.

1.1.2 Actions des entreprises au cours de la crise

Les entreprises de la branche ont montré leur capacité de réaction et le rôle crucial des professions de services à haute valeur ajoutée. Plusieurs d’entre elles ont ainsi contribué à la gestion « numérique » de la crise (projet de Contact Tracing rassemblant 6 acteurs majeurs de la Tech, mais aussi l’intelligence artificielle pour l’hôpital, etc.). Nos métiers ont également contribué au déploiement du télétravail afin d’assurer la continuité des activités essentielles à la vie de la nation malgré le confinement.

1.2 Besoins actuels en phase de crise persistante

L’effondrement des appels d’offre publics : le volume actuel correspond à 2/3 de la commande publique habituelle, malgré une lente remontée constatée sur la première quinzaine d’avril.

A l’instar de ce qui est attendu des grands donneurs d’ordre privés, il est indispensable que la commande publique demeure soutenue et revienne très vite à son niveau antérieur pour éviter d’accentuer le décrochage des prestataires concernés.

La complexité du sité dédié à l’activité partielle : de nombreuses entreprises signalent de grosses difficultés de saisie sur le site de l’activité partielle. Maintenant que les entreprises ont fait leurs demandes, elles commencent à rentrer les heures réellement effectuées et cela se révèle très complexe et laborieux.

Il est urgent que l’outil soit repensé et que, notamment, les entreprises puissent télécharger un modèle proposé par l’administration et l’importer une fois rempli.

La formation : il convient d’accompagner le financement des formations des salariés non placés en activité partielle par exemple en élargissant le FNE Formation et de renforcer les mécanismes de formation des collaborateurs en télétravail et en activité partielle à distance. Il s’agit ici de profiter de la baisse d’activité, pour aider les collaborateurs à monter en compétences et sortir de la crise avec un effet rebond.

De même, il faut encourager immédiatement les abondements CPF d’un plus grand nombre d’acteurs : entreprises, Pôle emploi, régions, communes, etc… (mise en place rapidement de l’outil opérationnel (via la CDC), exonération de charges sur les montants abondés, au niveau de l’entreprise, ne pas conditionner obligatoirement le co-investissement à un accord collectif).

La protection des salariés : pour la reprise de l’activité, les entreprises auront besoin de masques et de gel pour les collaborateurs. Il semble indispensable qu’il soit permis aux entreprises de s’approvisionner en masques et en gel hydroalcoolique en toutes circonstances, en garantissant par tous les moyens la production en volume suffisant. Afin de garantir une sécurité juridique aux entreprises relative à leur responsabilité, il est également important de la part de l’Etat de préciser la doctrine sur la responsabilité de l’entreprise sur le recours aux masques et à la distanciation sociale. A ce titre, il convient de préciser le décret du 23 mars qui fixe les règles de la distanciation sociale pour des raisons de santé publique et ne pas laisser ce point à la négociation avec les organisations syndicales de salariés.

Il est, en outre, essentiel que les salariés puissent librement se rendre physiquement chez leurs clients grâce aux services des transports en commun opérationnels. En effet, si une large part de nos métiers peuvent se réaliser en télétravail, il est également nécessaire que les salariés puissent aller chez les clients pour réaliser les missions de prestations de services.

L’article 5 de l’ordonnance portant diverses mesures pour faire face à l’épidémie de Covid-19 publiée au JO le 22 avril prévoit d’assujettir aux contributions et cotisations sociales applicables aux revenus d’activité les sommes résultant du cumul de l’indemnité d’activité partielle avec des indemnités complémentaires versées par l’employeur lorsque ces sommes excèdent 70 % de 4,5 fois la valeur du salaire minimum interprofessionnel de croissance, soit 3,15 SMIC. La Fédération s’étonne du caractère soudain de cette mesure bien qu’elle soit compréhensible dans un contexte d’explosion de la dépense publique. Toutefois, il est souhaitable que cette mesure ne soit pas le prélude à des charges supplémentaires pesant sur une catégorie ciblée des salariés et nous serons extrêmement attentifs à cette tendance.

2. Pistes de mesures prioritaires de relance

 2.1 Propositions de mesures transversales

2.1.1 Garantir un maintien de l’activité économique

 

  1. Mettre en place un plan de relance économique dans et par les marchés publics

 Le code de la commande publique prend déjà en considération les besoins en fonds de roulement des titulaires de marchés publics. Il consacre le principe d’un paiement échelonné sous formes d’avances perçues en dehors de tout service fait. Néanmoins, certaines modalités de ce régime (montant, garantie, paiement) peuvent être assouplies dans le cadre d’un plan de relance économique dans le même esprit que celui poursuivi par le législateur en 2008 à la suite de la crise financière (décret du 19 décembre 2008), pour une période temporaire de sortie de crise.

  • S’assurer d’une commande publique qualitative, gardant son niveau de qualité pré-crise par un comportement responsable des acheteurs publics.
  • Abaisser, pour une période temporaire et exceptionnelle, le montant du marché minimal rendant l’avance obligatoire à 20 000 € HT pour les marchés en cours d’exécution, quel que soit leur durée d’exécution, à la date d’entrée en vigueur du décret qui instaurait cette nouvelle règle. Actuellement cette avance est obligatoire lorsque le montant du marché (ou de la tranche affermie) dépasse 50 000 euros HT et que sa durée d’exécution est supérieure à deux mois (CCP, art.R.2191-3).
  • Instaurer une mesure exceptionnelle visant à ne plus permettre aux acheteurs de conditionner l’octroi d’une avance à la constitution d’une garantie à première demande ou d’une caution personnelle. D’autant plus que dans ce cadre, le délai de paiement de l’avance ne peut courir avant la réception de cette garantie ou de cette caution (CCP, art R.2192-25).
  • Permettre à tout titulaire d’un marché public de bénéficier du dispositif d’avance, même si les documents contractuels ne le permettaient pas (ou modification par avenant). Actuellement, l’avance ainsi que ses éléments constitutifs doivent être prévus par les documents contractuels. Le Code de la commande publique s’oppose à ce que ces clauses puissent être modifiées en cours d’exécution. Par conséquence l’acheteur doit, dès l’élaboration des documents contractuels, prévoir la possibilité de verser une avance au titulaire, ainsi que ses modalités de calcul et de remboursement (CCP, art.L.2191-3).
  • Fixer la fourchette de l’avance quelle que soit la durée du marché à 30% pour la période de relance d’activité.

2 Poursuivre la simplification administrative

 

  • Mettre en place les conditions de soutien à la commande publique : relever le seuil de dispense de procédure pour la passation des marchés publics de prestations intellectuelles actuellement à 40 000€, à 100 000€ HT, jusqu’à la fin de la crise sanitaire.
  • Gagner en souplesse dans la e-administration, afin de simplifier et accélérer les procédures administratives pour favoriser la relance économique : lorsque cela est possible, favoriser plus largement la dématérialisation des procédures administratives.
2.1.2 Soutenir la santé économique des entreprises
  1. Protéger la trésorerie des entreprises pour absorber le choc lié à la crise du Covid-19
  • Garantir l’application de la règlementation concernant les délais de paiement afin d’alimenter la trésorerie des entreprises et prévoir des échéanciers de paiement, en marchés publics comme en marchés privés.
  • Proroger la disposition prévue à l’article 5 de l’ordonnance n°2020-319 du 25 mars 2020, visant à donner la possibilité aux acheteurs d’accorder des avances excédant 60% du montant initial du marché ou du bon de commande, au-delà de la période prévue par l’ordonnance, jusqu’au 31 décembre 2020.
  • Etaler dans le temps les remboursements que les entreprises auront à faire résultant de reports de charges pendant la phase de confinement (charges URSSAF notamment).

 2 Accompagner les entreprises vers la reprise d’activité

 

  • Prévoir des modalités de sortie du dispositif d’activité partielle graduelle. A travers cette mesure, il s’agit de permettre un retour à l’activité, adapté aux différentes situations de reprise : sécurité sanitaire des salariés, reprise des projets par phases, etc.
  • Proposer des outils d’accompagnement aux entreprises en difficulté ou souhaitant être coachées pour la reprise. Il s’agit d’accompagner les entreprises vers la reprise à travers des dispositifs de type parcours transverse « reprise » développés par BPI France, à un coût pour l’entreprise (reste à charge) le plus faible possible en privilégiant des parcours opérationnels et peu chronophages (organisation en visio-conférence).
  • Anticiper et organiser les dispositifs de transferts de compétences (formation, reconversion) entre différents secteurs, en fonction des conséquences de la crise sur leurs activités, en mettant en place des mécanismes de transferts massifs de compétences des secteurs sinistrés vers des secteurs encore porteurs et à l’international, pour préserver l’emploi et les compétences des salariés.
    • Il convient d’accompagner les plans de transformation écologique et digitale qui misent sur la formation en défiscalisant les dépenses matérielles et immatérielles liées à ces projets de transformation.
    • Il est nécessaire que le FNE ne soit pas quelque chose de très ponctuel mais s’inscrive dans la durée en prolongeant et aménageant le dispositif du FNE sur une durée de deux ans en aidant particulièrement les PME et les ETI et éventuellement le cibler sur des projets spécifiques (par exemple réduction de la fracture numérique, transition écologique…). A minima, il semble indispensable de prolonger le dispositif FNE formation pour les salariés en activité partielle jusque fin 2020 éviter les effets de seuil.
    • L’apprentissage risque de pâtir fortement de la mauvaise conjoncture, les risques sont réels que la rentrée de septembre soit limitée en nombre d’apprentis. Il semble ainsi souhaitable d’adapter le dispositif et de l’encourager par des exonérations totales de charge sur les contrats de professionnalisation et d’apprentissage.
    • Le CPF pourrait être amélioré en le déplafonnant pour les séniors à partir de 45 ans (et en encourageant parallèlement pour ce public les bilans de compétences à mi-carrière) et en permettant l’abondement du CPF par le salarié de ses RTT, congés payés et droits CET.

 

  • Structurer des actions spécifiques à l’activité export. Cette mesure s’inscrit dans le cadre de la reprise pour pallier les difficultés liées aux déplacements, démarches commerciales, rapatriements d’expatriés / VIE…, notamment en mobilisant les bailleurs de fonds. Certains pays moins impactés que la France (Autriche, Danemark, Allemagne…) et procédant déjà à des mesures de déconfinement se relèveront vraisemblablement plus rapidement de la crise, les entreprises françaises risquent de ne pas avoir la même capacité de rebond et de perdre très vite des parts de marchés. Dans cette perspective, il est donc indispensable que les pouvoirs publics accompagnent les acteurs français de l’export pour faire face aux conséquences immédiates de la pandémie.

3 Soutenir les entreprises et leur capacité d’innovation via le levier fiscal du CIR

La crise liée au Covid-19 a mis en lumière un besoin rapide d’innovations en matière d’équipements médicaux, de traitements, de transports, de travail à distance, de logistique… Il est donc essentiel de soutenir les entreprises qui développent des innovations en réponse à la crise.

 

  • Plafonner les dépenses de veille technologique à 120 000 € (contre 60 000€ actuellement), pour se donner les moyens de recueillir des informations sur les acquis scientifiques et techniques relatifs aux méthodes et procédés mis en œuvre pour faire face à la crise du Covid-19 et en déduire des opportunités de développement.
  • Augmenter les taux d’économie d’impôts de 30% à 50% sur les thématiques en lien direct avec la crise du Covid-19 : Hôpitaux et santé, hygiène publique et sanitaire, industrie 4.0, logistique, infrastructures numériques, travail numérique et travail augmenté, mobilités et immobilités, habitat modulaire, provisoire, générationnel, résiliences.
  • Inciter fortement les maîtres d’ouvrage à utiliser l’expérimentation de l’achat public innovant à moins de 100 000 €, pour bâtir dans les meilleurs délais, en gré à gré, des recherches et des innovations partenariales jusqu’à 100 000€ de prestations.  En Janvier 2020, on ne comptabilisait que 56 procédures au titre de l’expérimentation « achat public innovant ».
  • Élargir le régime spécial des premières embauches en CDI des doctorants à tous les ingénieurs débutants ou équivalents pour favoriser la recherche à la suite de la crise (un doctorant en premier CDI doublant son CIR pendant deux ans (66% plutôt que 33%)), permettrait d’en faire bénéficier aux jeunes ingénieurs et favoriserait ainsi les embauches et les recherches.
  • Les entreprises ont des besoins aigus de trésorerie à court terme pour faire face au choc de la crise et les marges de manœuvre financières sont faibles. Face à ces difficultés, les entreprises risquent de privilégie les économies sur les postes « non nécessaires » à leur survie et, en conséquence, de couper en premier lieu dans les dépenses de R&D.
  • Rembourser immédiatement toutes les entreprises de tout leur Crédit Impôt Recherche (CIR) afin de mettre en place un véritable effet de levier à court terme pour les entreprises. Le remboursement accéléré annoncé par l’Etat des crédits d’impôts recherche concerne les créances restituables en 2020. Si la mesure est positive, notamment pour les PME qui verront leurs créances de CIR 2019 remboursées rapidement, les autres entreprises ne bénéficient donc pas d’un remboursement anticipé de l’ensemble de leurs créances de CIR (mais seulement le remboursement immédiat de la créance de CIR 2016).
  • Permettre à toutes les entreprises de bénéficier du remboursement anticipé des créances de CIR, indépendamment de la situation d’un contrôle fiscal suspendu ou non.
  • Revenir sur ou, à tout le moins, suspendre la réforme du taux de majoration des dépenses de personnel d’une année afin de réaliser un effet de levier auprès des entreprises et de limiter l’impact de la crise actuelle.
2.1.3 Mettre en place des dispositifs d’accompagnement en faveur de l’emploi

Il est nécessaire d’anticiper la sortie de crise, a fortiori pour des métiers comme les nôtres dont le redémarrage, dépendant de la reprise d’activité de leurs clients, ne se fera que très progressivement, en mettant en place plusieurs dispositifs d’accompagnement.

 

  • Garantir aux entreprises le droit de continuer à imposer le télétravail à leurs salariés en période de reprise post-confinement. Les entreprises ont en effet besoin de sécurité juridique, notamment dans le cadre du dialogue avec les organisations syndicales de salariés, et ont, par suite, besoin d’une doctrine claire provenant de l’Etat en la matière.
  • Instaurer des allègements massifs temporaires de charges sur les nouvelles embauches, afin de répondre aux difficultés que vont rencontrer les jeunes qui arriveront pour la première fois sur le marché du travail à l’été, dans un contexte économique fortement dégradé, et d’éviter d’en faire une « promotion sacrifiée ».
  • Accompagner la vague de rachats et de fusions d’entreprises qui aura probablement lieu en phase de reprise par des dispositifs de défiscalisation de l’’amortissement du goodwill) en cas de rachat ou de fusion d’entreprises en difficulté si cela permet de sauvegarder des emplois.

2.2 Propositions de mesures sectorielles

2.2.1 Numérique

Syntec Numérique : cf Cahier de propositions avec Tech in France

2.2.2. Ingénierie

Syntec Ingénierie : cf Propositions de plan de relance

2.2.3 Evènementiel

Unimev : cf Courrier à Bruno Le Maire avec 7 associations du secteur de l’évènementiel

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