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Lutter contre le sexisme, le harcèlement sexuel et le harcèlement moral

Chapitre 3

Réagir à une situation de sexisme, de harcèlement sexuel ou de harcèlement moral

Étude de cas 1
Une situation d’agissement sexiste masqué

Alice arrive en salle de réunion, elle constate qu’il n’y a que des collègues femmes et lance sur le ton de l’humour : « Je ne savais pas que c’était une réunion tupperware ! » Quelques personnes de la salle rient un peu, mais Véronique réagit en lui disant sèchement : « Je crois que tu t’es trompée, ici on va travailler sur la stratégie marketing du nouveau produit. »

Comment peut-on qualifier cette situation ?

Dans cette situation, le propos d’Alice est directement lié au genre des personnes présentes à cette réunion. Même si elle n’en avait pas l’intention, le propos d’Alice est sexiste, car il sous-entend qu’un groupe de femmes qui se réunit dans une pièce va forcément parler d’autre chose que du travail. Même si Alice voulait être drôle et n’avait pas l’intention de blesser les femmes présentes, elle les ramène par son propos à un rôle de femme au foyer, de cuisinière qui ne parlerait que de ça.

Si en entrant dans cette salle de réunion Alice avait découvert un groupe d’hommes et qu’elle avait dit « Je ne savais pas qu’on était là pour un débrief du match PSG-OM d’hier soir ! », nous pourrions aussi considérer cela comme du sexisme. Il faut tout de même apporter un peu de nuance puisque les activités stéréotypées des hommes seront toujours mieux considérées, plus valorisées que celles des femmes.

Toujours est-il que par cette remarque, Alice sous-entend qu’un groupe de femmes qui se retrouve dans une salle de réunion ne parlera pas de travail, mais de choses qui ont trait aux femmes. Cette « blague » indique que les femmes ne sont pas sérieuses, ou qu’elles ne sont pas considérées sérieusement au travail. Qu’elle en ait eu l’intention ou non, Alice peut, avec cette « blague », créer un sentiment de dévalorisation, d’incompétence.

C’est aussi la répétition qui fait la violence du sexisme et qui finit par impacter les personnes qui y sont les plus sujettes : les femmes et les filles.

Pour Alice ce n’était qu’une blague à ce moment-là, pour les femmes de cette salle de réunion c’était peut- être la 3e remarque sexiste de la journée, la 15e de la semaine et la 200e du mois. Pour mesurer l’impact d’un propos ou d’un comportement sexiste ou de harcèlement, il est important d’aller au-delà des apparences. Il est possible de rire par réflexe ou habitude à une « blague » sexiste tout en étant mal à l’aise.

Comment réagir en tant que témoin ?

En entreprise, la majeure partie des comportements et propos sexistes existent sous forme d’humour. En tant que témoin vous avez plusieurs façons de réagir à ces situations en fonction de la sécurité dans laquelle vous vous trouvez (professionnelle, hiérarchique, physique, émotionnelle).

  1. Ne pas rire.
  2. Questionner le ressort humoristique de la blague pour que l’autrice ou l’auteur se rende compte du propos sexiste.
  3. Dire explicitement que le propos vous a mis mal à l’aise, qu’il n’était pas approprié dans ce contexte.

 Focus manager 

Attention, en tant que représentant et représentante de l’entreprise vous avez pour obligation de réagir aux propos sexistes, harcèlogènes ou à toutes les autres situations inappropriées. Ici il est important de montrer l’exemple en ne riant pas à la « blague ».
Il est aussi nécessaire de dire explicitement, devant tout le monde, avec douceur, que le propos n’est pas approprié et que cela ne doit pas se reproduire.

En tant que manager, n’hésitez pas à prendre en note les situations comme celle-ci dans un document de suivi, indiquant la teneur du propos, la date, l’auteur ou l’autrice et les personnes présentes. Ce suivi peut étayer votre témoignage si jamais vous veniez à être entendu dans le cadre d’une enquête.

Étude de cas 2
Une situation de harcèlement sexuel

Lors d’un afterwork bien arrosé entre collègues, Nathan qui manage Olivia lui glisse à l’oreille sur le ton de la blague qu’un petit passage aux toilettes ensemble lui permettra d’étudier plus vite sa demande d’augmentation. Le lendemain Olivia ne vient pas travailler en présentiel, demande à faire du télétravail pour le reste de la semaine. Elle confie à l’une de ses collègues être très mal à l’aise dans ses échanges avec Nathan et préfère l’éviter aussi longtemps que possible.

Comment peut-on qualifier cette situation ?

Cette situation peut être qualifiée de harcèlement sexuel car Nathan exerce une forme de pression sur Olivia dans le but d’obtenir un rapport sexuel, sans prendre en compte son consentement. Même si Nathan est connu pour être un blagueur et qu’il n’avait pas vraiment l’intention d’aller aux toilettes avec elle, le propos qu’il a tenu crée un environnement anxiogène pour Olivia.

Si Olivia ou une personne témoin signale la situation, l’entreprise est obligée de la prendre en compte, même si elle s’est déroulée lors d’un afterwork, en dehors des heures de travail et en dehors des locaux.

Pourquoi cette situation doit être prise en compte par l’entreprise ?

L’entreprise a pour obligation de prendre en compte les situations impliquant des personnes qui se sont rencontrées dans le cadre de leur activité professionnelle (des collègues, une personne cliente, une ou un fournisseur, une ou un manager, etc.). Parce que la situation peut avoir des impacts dans l’environnement professionnel de ces personnes, l’entreprise doit recueillir le témoignage, déclencher la procédure de traitement et possiblement une enquête en fonction de la situation.

 Focus manager 

Si en tant que manager vous prenez connaissance d’une situation comme celle-ci, vous devez échanger en priorité avec la victime présumée pour :

  • s’enquérir de son état et déterminer un éventuel besoin de suivi psychologique ;
  • prendre connaissance des impacts de cette situation sur le quotidien professionnel de la présumée victime (démotivation, évitement d’une personne tierce, demande de mutation ou de changement d’équipe/de mission/de dossier, demande de télétravail, absence, stress, anticipation, etc.) ;
  • lui présenter la procédure et son déroulé, les possibles résultats de cette procédure et lui proposer de l’accompagner dans cette procédure.

Étude de cas 3
Une situation de harcèlement sexuel environnemental

Dans l’open space, il est assez commun d’entendre Alex, Léa et Sam se raconter leurs conquêtes sexuelles de la veille, en précisant les détails et en notant la « performance » de leurs partenaires. À chaque fois, lors de ces conversations, Emma préfère aller se faire un café. Elle ne se sent pas à l’aise.

Comment peut-on qualifier cette situation ?

Cette situation pourrait être qualifiée de harcèlement sexuel environnemental. En effet les propos d’Alex, Léa et Sam ayant une connotation sexuelle inappropriée dans le cadre du travail, cela pourrait mettre mal à l’aise leurs collègues autour. Même si Alex, Léa et Sam n’ont pas l’intention de gêner les personnes travaillant dans leur équipe, ce n’est pas l’endroit pour tenir ce type de propos.

Un comportement peut être considéré comme du harcèlement sexuel même s’il ne vise pas une personne en particulier. Il est possible que dans certaines équipes, au sein desquelles règne une ambiance particulièrement conviviale et dont les membres sont aussi ami(es) en dehors du travail, des conversations comme celle-ci aient lieu de façon publique. C’est une situation risquée, qui pourrait mettre d’autres personnes mal à l’aise (une nouvelle recrue par exemple).

Il est donc important d’imposer des limites collectives à ce qui est toléré dans le cadre de l’équipe.

Comment réagir en tant que témoin ?

Lorsque vous êtes témoin d’une situation de sexisme, de harcèlement ou toute autre situation que vous estimez inappropriée dans le cadre de l’entreprise, vous pouvez utiliser un outil développé dans le monde anglo-saxon : les 5 D .

Direct (réagir directement) 

Si vous vous sentez en capacité de le faire, intervenez directement et confrontez l’autrice ou l’auteur des propos ou du comportement.
Vous pouvez dire « je ne pense que pas que cette blague soit appropriée » ou « cette remarque est sexiste, peux-tu t’abstenir la prochaine fois ? ». Vous ne pourrez pas toujours réagir directement et confronter la personne. Parfois, vous n’aurez pas l’énergie, vous n’aurez pas la position hiérarchique ou la sécurité professionnelle pour le faire. Il existe d’autres façons de réagir.

Distract (distraire) 

Ignorez l’auteur ou l’autrice de l’agissement sexiste ou du harcèlement et changez le sujet de la conversation, proposez quelque chose à la victime pour l’extraire de la situation. Vous pouvez poser une question sur un autre sujet pour faire dévier la conversation, ou demander de l’aide à la personne qui subit le comportement pour l’extraire de la situation.

Delegate (déléguer) 

Demandez à une autre personne de vous aider à intervenir. Dans l’entreprise, vous pouvez vous tourner vers votre manager, une personne de l’équipe RH ou un ou une collègue pour vous aider à arrêter l’interaction inappropriée que vous avez identifiée.

Document (documenter) 

Collectez des preuves des faits. Vous pouvez prendre des notes sur un document dès lors que vous êtes témoin de situations inappropriées (personnes présentes, propos tenus, date), faire des captures d’écran, prendre des photos, etc. Vous n’aurez pas forcément à vous en servir mais dans le cas d’une procédure interne suite à un signalement, ces éléments peuvent être très utiles.

 Delay (différer l’intervention) 

Allez parler à la victime quand la situation est terminée. C’est aussi important d’intervenir auprès de la personne qui a subi le propos ou le comportement pour lui faire savoir qu’elle n’est pas seule, qu’elle n’est pas folle, que vous aussi vous avez été mal à l’aise. Vous pouvez aussi en profiter pour lui parler de ce qu’elle peut faire : se tourner vers les RH, signaler la situation, etc.

Étude de cas 4
Une situation d’agissements sexistes

Aïssa anime une réunion sur un nouveau projet important. Lorsqu’elle commence à expliquer l’angle qu’elle veut prendre, Marc lui coupe la parole pour dire la même chose, à quelques détails près. Il a pris l’habitude de faire ça en réunion, principalement lorsque c’est une collègue qui parle. Aïssa a le sentiment que son propos n’était pas clair et que son expertise n’est pas suffisante.

Comment peut-on qualifier cette situation ?

Cette situation peut être considérée comme un agissement sexiste. Même sans intention de nuire, Marc se comporte de manière sexiste en coupant de façon presque systématique la parole des femmes, ou en reprenant leurs idées à peu de chose près. Il est important de prendre conscience de ces situations pour être plus vigilante et vigilant à l’avenir.

Que faire en tant que témoin ?

Dans cette situation il est possible d’intervenir de façon douce en disant « je crois qu’Aïssa n’avait pas terminé ». Le faire de façon publique permet aussi à toute l’assemblée de prendre conscience de la situation.

Étude de cas 5
Une situation de harcèlement sexuel

Maria est en rendez-vous client avec Bruno. Pour cette réunion, il lui a proposé de se retrouver pour le déjeuner dans un restaurant. Tout au long du repas, il la complimente sur ce qu’elle porte et insiste sur la confiance qu’il lui porte dans la gestion du dossier qu’il lui a confié. Elle le remercie mais ne lui retourne pas les compliments. Au moment de quitter le restaurant, il lui dit : « C’est quand même beaucoup plus agréable de collaborer avec de jolies femmes comme toi ! » En rentrant, Maria parle de cette situation à son collègue Joaquim. Elle ne se sent pas à l’aise, et ne sait pas si elle a envie de continuer à travailler sur ce dossier.

Comment peut-on qualifier cette situation ?

Cette situation peut être qualifiée de harcèlement sexuel. Les propos et le comportement de Bruno ont une connotation sexuelle qui n’est pas appropriée dans le cadre d’une relation professionnelle avec un client.

Si jamais Bruno ressentait une vraie attirance envers Maria, il devrait être extrêmement vigilant pour ne pas la mettre mal à l’aise. Faire des compliments sur le physique et les vêtements lors d’un déjeuner professionnel est une façon de procéder qui risque fortement de mettre mal à l’aise la personne en face de soi. Dans 40 % des situations de sexisme
ou de harcèlement, l’auteur ou l’autrice
des propos ou du comportement est une personne extérieure à l’entreprise (une ou un visiteur, une personne cliente, une ou un fournisseur).

Dans la majorité des cas, ces personnes ont le sentiment de pouvoir dire et faire ce qu’elles veulent sans subir de conséquences.

Drague ou pas drague ?

La drague c’est :

  • exprimer poliment son envie de passer du temps avec la personne ;
  • dans un contexte adapté, avec une relation de travail adaptée (s’il existe une relation de pouvoir entre les deux personnes, rien ne permet d’assurer que la personne en position subordonnée sera assez à l’aise pour dire « non » sans avoir peur des conséquences) ;
  • en étant attentive et attentif aux signaux de malaise que l’autre personne pourrait envoyer ;
  • en étant prête et prêt à accepter l’éventuel refus de la personne (qu’il soit formulé ou non).

 Focus manager 

En tant que manager il est important de prendre en compte ce risque plus élevé de situations de sexisme ou de harcèlement si votre équipe est en contact régulier avec des personnes extérieures à l’entreprise. Il est important de parler de cette possibilité à votre équipe, pour qu’elle sache que ça peut exister et qu’elle peut vous parler si c’est le cas. Il est aussi important d’établir une procédure pour gérer ces cas, impliquant par exemple une personne cliente.

Étude de cas 6
Une situation de harcèlement moral

Catherine manage une équipe de 10 personnes. Elle travaille étroitement avec Agathe, qui est manager d’une autre équipe. Dans le cadre de leur collaboration, Catherine a dû demander plusieurs fois à Agathe de ne pas donner des missions en direct à son équipe, car cela ne lui permet pas de gérer la quantité de travail qu’elles et ils doivent réaliser, et de garantir un bon équilibre de la charge de travail. Catherine commence aussi à souffrir des demandes incessantes d’Agathe pour modifier à la dernière minute des détails sur les dossiers en cours.

Comment peut-on qualifier cette situation ?

Cette situation peut être qualifiée de harcèlement moral. Les propos et les comportements d’Agathe ont un réel impact sur le quotidien de travail de Catherine. Le fonctionnement d’Agathe empêche Catherine d’exercer correctement ses fonctions de manager, ses nombreuses demandes, souvent changeantes ou peu claires, ne permettent pas à Catherine de travailler dans de bonnes conditions. Le fait d’imposer une charge de travail trop élevée, de créer des situations d’urgence permanente, de donner des consignes confuses et contradictoires rendant le travail irréalisable, ou encore de changer régulièrement des demandes réalisées (en termes de deadlines, de quantité et de qualité de livrables, d’attribution des tâches) constitue un comportement pouvant être caractérisé de harcèlement moral.

Comment réagir à une situation de harcèlement moral ?

Il est souvent difficile d’identifier une situation de harcèlement moral. Très souvent on préfère voir un « simple » conflit interpersonnel.

Si une personne vient vous voir pour vous parler d’une situation compliquée avec un ou une collègue ou avec la personne qui l’encadre, n’hésitez pas à lui proposer d’en parler avec les RH ou de signaler la situation si vous estimez qu’elle est dangereuse pour la présumée victime ou que ses impacts sont trop importants. Il est mieux de réagir que de regretter de n’avoir rien fait.