Gouvernance
Structurer une gouvernance mettant la RSE au centre du business model permet à la fois d’impliquer les collaborateurs, de piloter, mesurer et améliorer les process et de communiquer et valoriser ses résultats auprès des parties prenantes internes et externes, dans une logique de transparence.
Introduction
La gouvernance d’une entreprise prend en compte l’ensemble des mécanismes internes et externes permettant de diriger, administrer et contrôler l’entreprise. Elle sert d’ossature centrale et de centre névralgique de l’ensemble des processus de décisions.
La gouvernance est « le système par lequel une organisation prend des décisions et les applique en vue d’atteindre ses objectifs. La gouvernance de l’organisation peut comprendre à la fois des mécanismes formels de gouvernance, reposant sur des processus et des structures définis, et des mécanismes informels, émergeant en fonction des valeurs et de la culture de l’organisation, souvent sous l’influence des personnes qui dirigent l’organisation. […] Ces systèmes sont dirigés par une personne ou par un groupe de personnes (propriétaires, membres, mandataires sociaux ou autres) détenant le pouvoir et ayant la responsabilité d’atteindre les objectifs de l’organisation. » 3
La gouvernance des structures est un enjeu majeur pour les entreprises de la Fédération Syntec et de ses syndicats membres. Le présent guide a pour vocation de structurer et présenter les concepts et engagements clés en matière de gouvernance RSE en les articulant autour de six sujets :
- L’intégration de la RSE à la stratégie business.
- L’organisation et le pilotage de la RSE.
- Le déploiement de la RSE.
- L’éthique et la déontologie.
- L’association des salariés aux prises de décisions et le partage de la valeur.
- La notion de risques.
3. Définition de l’ISO 26000
Enjeux
L’intégration de la RSE à la stratégie business
La RSE est un levier de croissance humaine, environnementale, sociale et bien entendu économique. Il est donc primordial d’intégrer la RSE au cœur du business model de l’entreprise afin d’en pérenniser les actions et de contribuer à leur développement.
Pour y parvenir, il est important de commencer par mener une réflexion poussée sur les enjeux liés à la RSE en tant qu’entreprise et les opportunités liées à ceux-ci.
La première étape de cette phase doit être pour l’entreprise d’identifier ses enjeux liés à la RSE. Pour cela, elle peut partir d’une grille de lecture, référentiel, label ou certification existante, et s’en servir pour repérer les enjeux qui concernent son activité.
Le saviez-vous ?
Chacun des principaux référentiels/ normes/initiatives présente
des spécificités.
ISO 26000
La norme ISO 26000, publiée en 2010, est une norme de l’Organisation internationale de normalisation (ISO) établissant les lignes directrices relatives à la responsabilité des entreprises et des organisations. Elle n’a pas vocation à faire l’objet d’une certification, il s’agit d’une norme de recommandation, qui permet d’alimenter la réflexion stratégique des organisations. Un certain nombre d’organismes proposent des évaluations sur la base de cette norme.
Elle est structurée en 7 axes :
- la gouvernance de l’organisation (respect de la loi, transparence, dialogue avec les parties prenantes),
- les droits de l’Homme (achats responsables),
- les conditions et relations de travail (santé sécurité, qualité de vie au travail),
- l’environnement,
- les bonnes pratiques des affaires (éthique),
- les questions relatives aux clients (information, protection des données),
- l’engagement sociétal (pro bono, mécénat, ancrage territorial).
Label LUCIE
Aligné sur l’ISO 26000, et développé en partenariat avec VIGEO et AFNOR Certification, le label LUCIE s’engage à aider toute organisation souhaitant se lancer dans une démarche RSE. Il a pour ambition de devenir un laboratoire d’initiatives engagées en développant et en fournissant aux entreprises des outils en accord avec l’ISO 26000. Après avoir progressé, les entreprises deviennent à leur tour les ambassadrices de la RSE.
Label « Engagé RSE » d’AFNOR Certification
Fondé sur la norme IS0 26000 et les Objectifs du Développement Durable des Nations unies, ce label évalue le niveau de maturité de la démarche RSE, valorise les bonnes pratiques et propose des axes d’amélioration (un expert RSE établit un rapport de performance et un niveau d’évaluation).
B Corp
Fondée aux États-Unis en 2006, B Corporation regroupe plus de 2500 entreprises dans le monde souhaitant affirmer leur engagement sociétal. La certification « B Corp » est attribuée par B Lab, un organisme sans but lucratif établi aux États-Unis, en Europe, en Amérique du Sud, au Canada et en Australie. Pour avoir la certification, l’entreprise doit obtenir une note minimale de 80 points sur 200 sur le standard international qui est accessible dans l’outil en ligne « B Impact Assessment ».
Global Compact
Le Global Compact France (ou Pacte Mondial Réseau France), association loi 1901, lancé en 2004, est le réseau local officiel du Global Compact des Nations unies en France. Il offre à ses membres un cadre d’engagement volontaire construit sur la base de dix principes à respecter en matière de droits humains, de droit du travail, d’environnement et de lutte contre la corruption. Il rassemble plus d’un millier d’entreprises et organisations à but non lucratif, qui communiquent annuellement sur les progrès réalisés à travers un document rédigé à cet effet (la Communication sur le Progrès ou COP pour les entreprises).
Identifier les enjeux
L’identification des enjeux (« matérialité ») conditionne la réussite d’une démarche RSE. L’exercice consiste à analyser ces enjeux en croisant la vision des parties prenantes et la vision interne, liée à la raison d’être économique de l’entreprise. Il permet à l’entreprise de se recentrer sur ses enjeux fondamentaux : ceux auxquels elle est confrontée et ceux auxquels s’intéressent ses parties prenantes. Pour réaliser cette identification, il convient de :
- Croiser d’abord l’évaluation externe et interne de l’importance des enjeux (obtenir une matrice dite de matérialité). Les enjeux les plus « matériels », sont ceux représentés en haut à droite de la matrice. Ce sont ceux qui sont les plus importants pour le business comme pour les parties prenantes.
- Dans un second temps, une phase de diagnostic doit permettre d’établir un état des lieux de l’entreprise à travers une analyse risques-opportunités en adéquation à la fois avec son secteur d’activité, sa taille, son histoire et son ADN. Cette étape doit permettre de mettre en lumière les atouts de la structure mais également de souligner ses points perfectibles et ses lacunes.
Afin de mener à bien cette phase d’analyse, il est également important de définir un mode de pilotage et des responsabilités. De manière générale, il est préférable que ces dernières soient collégiales et partagées. À la fois pour impliquer un maximum de collaborateurs dans la démarche mais aussi et surtout pour confronter les points de vue et expériences de chacun.
L’idée lors de cette étape est double : à la fois capitaliser sur l’existant en mettant en avant et en valeur ce que l’entreprise fait d’ores et déjà de bien, tout en soulignant les marches à gravir pour tendre vers un business model le plus vertueux et responsable possible en adéquation avec son secteur d’activité.
Capitaliser sur l’existant en mettant en avant et en valeur ce que l’entreprise fait d’ores et déjà de bien.
Lorsque l’on parle de RSE, l’un des concepts fondateurs est celui de parties prenantes. On entend par partie prenante tout acteur interne ou externe à une entreprise et concerné par son bon fonctionnement sur le plan de la responsabilité sociétale. En effet, l’entreprise n’est pas une structure hermétique à son environnement mais s’inscrit dans tout un écosystème, qui a un impact sur son activité et sur lequel elle a elle-même des effets. Par conséquent, il est nécessaire d’instaurer un dialogue avec ces parties prenantes pour mieux appréhender les risques auxquels l’entreprise est confrontée. La gestion des parties prenantes permet aussi de détecter des opportunités, de mieux valoriser les externalités positives créées par l’entreprise et de générer de l’engagement à long terme. L’objectif est d’être à l’écoute des attentes de ces parties prenantes pour leur apporter au quotidien une réponse adaptée si cela est possible, dans une dynamique de dialogue et de progrès partagé.
Connaître les parties prenantes
L’élaboration d’une cartographie des parties prenantes apparaît dès lors comme un outil indispensable pour les intégrer au mieux.
La cartographie des parties prenantes est un travail fondamental pour toute structure souhaitant faire évoluer son business model. En effet, cette étape va permettre de prendre du recul et structurer de manière concrète les relations entretenues par l’entreprise tant en interne (collaborateurs) qu’en externe (sous-traitants, fournisseurs, prestataires, presse, collectivités territoriales etc.).
Cet outil aura plusieurs intérêts à court et long terme :
- améliorer le dialogue avec ses parties prenantes, ce qui permet de mieux connaître leurs enjeux et opportunités ;
- anticiper les risques (délais de paiements, risques concurrentiels, difficultés à recruter…) ;
- favoriser l’innovation ;
- créer un écosystème vertueux autour de son entreprise.
Plus encore, la mise en place d’un référentiel ou labellisation/certification permet d’avoir une démarche qualité reconnue, dans une logique d’amélioration continue. Il existe en France plusieurs labels, normes et certifications permettant aux entreprises de prouver leurs engagements, dont les principaux sont l’ISO 26000, le label AFNOR, le label LUCIE, la communauté B Corp, ou encore le Global Compact.
La cartographie des parties prenantes est un travail fondamental pour toute structure souhaitant faire évoluer son business model.
L’organisation et le pilotage de la RSE
Nommer des responsables pour l’animation de la démarche RSE de l’organisation est fondamental. Ils seront en charge de l’animation, du suivi, du reporting et de la communication interne et externe. Cependant, une erreur trop souvent commune est de penser que tout dépend de ce ou ces responsables et qu’ils se doivent de traiter chaque question. Le risque évident est de déresponsabiliser les autres collaborateurs, persuadés soit de ne pas être concernés, soit de ne pas avoir de rôle à jouer.
L’un des grands défis des structures de services à haute valeur ajoutée est de permettre l’implication de l’ensemble de leurs collaborateurs dans leur démarche RSE. De la direction aux collaborateurs en passant par toutes les strates managériales.
Ainsi, on parle de plus en plus d’approche RSE par typologies de postes ; par exemple, le marketing n’a pas les mêmes enjeux ni leviers que la RH, le chef de projet, l’ingénieur, le monteur de stand ou le commercial. Néanmoins, chacun peut à son niveau contribuer à la démarche RSE de son entreprise.
Il devient dès lors crucial de mettre en place un tableau de bord d’indicateurs pertinents permettant de mesurer l’efficacité de la démarche RSE de la structure. Ces indicateurs peuvent prendre diverses natures : RH (parité, salaire, handicap…), énergétiques (eau, électricité, papier, carburant…), économiques ; mais doivent toujours faire écho à la nature de l’activité pratiquée par la structure.
Ces indicateurs peuvent ainsi faire l’objet de déclinaisons par postes de travail avec des objectifs RSE clairs pour les managers et leurs équipes leur permettant d’apporter leur pierre à l’édifice de manière concrète.
Il conviendra ensuite d’en effectuer le reporting, la consolidation et la communication dans une démarche d’amélioration continue.
Le déploiement de la RSE
Une fois les indicateurs mis en place auprès des équipes, commence alors l’animation de la démarche RSE au sein de la structure.
Les managers intermédiaires jouent un rôle prépondérant dans cette étape puisqu’ils font la transition entre la direction et les équipes terrain. Leurs objectifs et les attentes en matière de RSE doivent être clairement établis pour qu’ils puissent ensuite embarquer leurs équipes.
Le point crucial ici est de rendre parfaitement opérationnels les engagements de la structure, en adéquation avec à la fois son secteur d’activité, sa manière de pratiquer son activité et la nature du poste.
Ainsi, il est généralement nécessaire de mener des campagnes de formation et de sensibilisation des collaborateurs à la RSE afin de leur démontrer à la fois l’engagement de la direction mais également le rôle qu’ils peuvent avoir à jouer dans cette démarche. Cela contribue, en outre, à renforcer le sentiment d’appartenance et la fierté des collaborateurs à travailler dans leur entreprise.
Ne pas oublier que l’un des grands défis de la RSE est de permettre l’implication de l’ensemble des collaborateurs dans la démarche.
La veille réglementaire, sociale et RSE de manière générale est, par ailleurs, un bon moyen de maintenir les équipes en éveil en partageant les meilleures pratiques du secteur et les « démarches inspirantes » afin d’enrichir la stratégie de la structure.
L’éthique et la déontologie
La RSE met fortement en avant les pratiques éthiques et de transparence. Cet aspect a particulièrement de sens dans les entreprises qui fournissent des prestations intellectuelles et dont la valeur ajoutée est fondée sur l’humain.
C’est un point extrêmement important et propre à chaque secteur et chaque entreprise : quelles sont les règles éthiques ? Les limites à ne pas dépasser ? Comment réagir et à qui parler en cas de situation que l’on juge limite sur le plan de la déontologie ?
Ce sont autant de questions sur lesquelles il est particulièrement important de disposer de règles claires, formalisées, connues de l’ensemble des collaborateurs et auxquelles ces derniers peuvent se rattacher. En parallèle de cette formalisation des règles, il est nécessaire de former les collaborateurs les plus susceptibles de se trouver dans des situations potentiellement délicates afin qu’ils puissent savoir comment réagir le cas échéant.
In fine, ce code d’éthique/de déontologie doit être signé par l’ensemble des collaborateurs et servir d’outil de prévention systématique. Les formations et cas pratiques peuvent constituer de bons moyens pour des rappels concrets et réguliers de ces principes.
Cette démarche, qui témoigne de l’importance de ces notions pour l’entreprise et de son anticipation des risques liés, peut être valorisée auprès des clients et lors des appels d’offres.
La notion de risques
L’approche par les risques est relativement nouvelle en RSE, elle renvoie à des notions de devoir de vigilance et de reporting extra-financier, et a été notamment introduite en droit français par les textes tels que la loi Sapin 2.
La notion de risque est ici à prendre au sens large et avec une dimension d’anticipation et de prévention. Au même titre que la cartographie des parties prenantes, la matrice des risques est un outil extrêmement utile pour orienter les actions et les hiérarchiser.
Pour certains métiers, les risques cyber seront prépondérants et devront être anticipés tant les conséquences peuvent être dramatiques. Pour d’autres branches, ces risques peuvent être liés à l’approvisionnement, à l’image ou à la santé-sécurité. Il devient alors primordial d’adapter son business-model en conséquence.
La loi Sapin 2
Pour les entreprises de plus de 500 salariés et un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros, la loi dite Sapin 2, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique de 2016, instaure une obligation de lutter contre les risques de corruption.
Il s’agit d’un véritable axe des démarches RSE qui devient obligatoire pour ces entreprises, qui devront mettre en place des actions concrètes contre les risques de corruption.
L’article 17 de la loi impose de mettre en place huit procédures.
- Un code de conduite définissant et illustrant les comportements à proscrire.
- Un dispositif d’alerte interne pour recueillir les signalements d’employés ayant connaissance de conduites ou de situations contraires au code de conduite.
- Une cartographie des risques, en fonction des activités de la société et des pays où elle opère. Celle-ci doit régulièrement être mise à jour.
- Des procédures d’évaluation de la situation des clients, des fournisseurs de premier rang et des intermédiaires.
- Des procédures de contrôles comptables, réalisés en interne ou par un auditeur externe.
- Un dispositif de formation destiné aux cadres et personnels les plus exposés aux risques.
- Un régime disciplinaire permettant de sanctionner en interne les salariés violant le code de conduite.
- Un dispositif de contrôle et d’évaluation interne des mesures mises en œuvre.
Actions
Les incontournables
- Réflexion sur les enjeux de RSE pour l’entreprise et sur l’évolution de ses activités à l’aune de ses enjeux de responsabilité sociétale.
- Pilotage de la stratégie globale par des indicateurs RSE.
- Construction et utilisation d’une cartographie des parties prenantes.
- Mise en place et actualisation d’une matrice des risques.
- Élaboration et utilisation d’un tableau de bord d’indicateurs RSE et leur déclinaison par postes.
- Formation des collaborateurs à la RSE.
La loi Pacte
Depuis cette loi, l’entreprise peut se doter d’une raison d’être dans ses statuts. La raison d’être est le projet de long terme dans lequel s’inscrit le projet social de l’entreprise.
Pour aller encore plus loin, elle peut décider de la création d’un statut d’entreprise à missions, avec un organe de suivi.
Pour aller plus loin
- Mise en place d’une démarche qualité reconnue (référentiel ou labellisation/certification).
- Amélioration continue de la politique RSE par une veille des meilleures pratiques RSE.
- Pleine consultation des salariés sur les choix stratégiques par un processus formalisé.
Votre démarche RSE étape par étape
- Constituer un Comité de pilotage
- Cartographier et consulter vos parties prenantes
- Identifier vos enjeux prioritaires
- Élaborer une vision et des axes d’engagement
- Construire un plan d’actions
- Prévoir un plan de déploiement
- Installer une gouvernance
- Mettre en place un dispositif de reporting et valorisation
- Faire vivre et valoriser la démarche dans le temps